Les gentils, les méchants, le sens des mots…
Pour ceux qui s’intéressent au serpent de mer de la réforme des retraites, Le Monde Diplomatique publie dans son édition de décembre un passionnant article de l’économiste Antoine Rémond titré « Ultime « réforme » des retraites… avant la prochaine ».
Dans cette double page, l’auteur note incidemment que la réforme, désormais, a un préalable : le sondage des populations. Il cite pour expliquer cette démarche le sociologue Patrick Champagne [1] : « commander avant un mouvement social, un sondage pour savoir ce qu’en pense la majorité des Français, c’est implicitement suggérer que les futurs grévistes doivent désormais demander l’autorisation des Français pour savoir s’ils ont le droit de faire grève ou, pour le moins, savoir si leurs motivations sont légitimes ». Ajoutez à cela que lesdits Français n’ont aucun chiffre précis sur le sujet, mais disposent complaisamment « d’informations » leurs laissant croire que les futurs grévistes sont des « privilégiés » et vous aurez les arguments pour pouvoir asséner un opportun « Les Français sont favorables à cette réforme et je ne vois pas au nom de quoi ou de qui je devrais décevoir cette attente forte de la majorité de la population ?! ».
Un concept à relier à cet autre article du Monde Diplomatique de décembre abordant l’amusant concept du « story telling » tellement à la mode dans les milieux du marketing et de la politique.
Ne parlons même pas de la valeur scientifique de ces sondages qui dépendent autant du sens du vent que de la manière dont les questions sont posées. Mais qui plaisent tant à Paulo et aux responsables politiques…
Il y a dans cette manière de livrer à la vindicte populaire une partie des Français, une approche de la politique qui est assez intéressante à étudier. On rejoint ici le cynisme évoqué dans cet article d’Aporismes.com. De tous temps, les hommes ont sacrifié une partie de leurs communautés pour survivre, ou tout simplement pour évacuer leurs peurs ou leurs haines. La désignation de « l’étranger » comme source de tous les maux des locaux, celle des 35 heures comme frein unique à la croissance (corollaire : si on travaille plus, on gagne plus et la croissance repart par la consommation induite par les revenus plus importants), celle des « privilégiés » (avec inversion du sens, évidemment) comme éléments de la communauté risquant de provoquer la faillite du système dont bénéficie ladite communauté, ne sont pas une nouveauté…
Enfin, Antoine Rémond évoque les termes rabâchés par le président pour vendre sa réforme des retraites : équité et justice. Ne serait-il pas normal que ces salariés su secteur public, aux régimes spéciaux, cotisent autant d’années que la majorité des Français ? Ne serait-ce pas équitable ? Juste ?
Le bon sens près de chez vous si cher à Paulo et à ses potes du Bar des Amis ne peut qu’amener une réponse : « ben oui, évidemment… ». Sauf que… Sauf que l’équité et la justice ne sont pas toujours des concepts bien maîtrisés par ceux qui les promeuvent. Nombreux sont les exemples au fil de l’article. Mais n’en citons qu’un : « Si M. Sarkozy ne se représentait pas à l’élection présidentielle de 2012, ou s’il était battu, il toucherait, dès 57 ans, une retraite acquise après 5 ans de cotisation » soit environ 63.000 euros bruts par an.
Puisqu’on vous dit qu’il faut de l’équité !
Lire également à ce sujet « Une « rentrée sociale » ? Où ça ? »
[1] Aucun rapport familial avec l’un des auteurs de ce site