Sus au gaucho !
Délire paranoïaque ou stratégie de la terre brûlée orchestrée par la « droite décomplexée » contre tout ce qui se place à gauche du PS, désormais inexistant sur la scène politique ? Le château et son bras armé l’UMP tapent dur sur l’extrême gauche, quitte à voir des terroristes partout…
La droite au pouvoir a « gagné la bataille idéologique », selon les mots de François Fillon, rapportés dans un article du Monde [1] daté du 15 juillet. Une victoire d’autant plus facile qu’il n’y aurait plus personne à gauche, côté PS pour proposer la moindre alternative. Par ailleurs, les syndicats seraient assommés par un rythme effréné de réformes menées tambour battant et sans concertation par l’hôte de l’Elysée.
Il est vrai que les transformations majeures du contrat social français, dont les principales illustrations portent sur les retraites (passage à 41 ans), l’assurance maladie, la justice (peines plancher et rétention de sûreté), l’immigration (tests ADN), la destruction systématique du droit du travail (35 heures, temps de travail des cadres) n’ont pas déclenché d’opposition populaire massive.
Cette autosatisfaction de l’UMP s’illustre particulièrement dans la phrase du président de la république devant le conseil national du parti le 5 juillet dernier à propos des grèves en France : « Désormais, quand il y en a, personne ne s’en aperçoit ».
Peur panique ?
Les ralliements de membres éminents du PS, la cour ouverte que font certains membres actuels du PS comme Jack Lang, les dissensions internes du parti socialiste, la traversée du désert du Modem et la récupération de nombreux thèmes du Front National, ont créé un vide politique dont se satisfont l’UMP et le président de la république. Mais il reste bien quelques viviers d’idées à gauche de la gauche.
Et ces viviers ont déclenché de nombreuses attaques frontales de la part de la droite au pouvoir qui, pour un oeil extérieur, semblent relativement disproportionnées. Soit Nicolas Sarkozy compte les réduire à néant, comme il l’a fait pour le centre, la gauche traditionnelle et l’extrême droite, soit la droite est entré dans une sorte de spirale paranoïaque. Une « trouille » qui rappelle étrangement celle du « rouge » que l’on pouvait observer pendant la guerre froide. A tel point que l’UMP n’hésite plus à faire un dangereux amalgame entre gauchiste et/ou anarchiste et terroristes.
La montée en puissance (médiatique) d’Olivier Besancenot ne doit pas contribuer à calmer le bouillonnant président de la république. Selon le dernier sondage OpinionWay/Le Figaro du 19 juin, le leader de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) serait en effet devenu le meilleur opposant à Nicolas Sarkozy. L’Express constatait quelques jours plus tôt qu’Olivier Besancenot est la troisième personne dont les Français « aimeraient qu’elles aient plus d’influence sur la vie politique française ». Or pour Xavier Darcos, les gauchistes (du genre Besancenot) sont des emmerdeurs : « Le service minimum d’accueil dans les écoles en cas de grève est devenu un thème à traiter d’urgence, contre “la loi de l’emmerdement maximum” imposée, selon le ministre de l’éducation nationale, par les syndicats d’enseignants aux familles. », indique Le Monde.
Et si ces emmerdeurs étaient finalement des terroristes ? Voilà un bon moyen de les mettre à l’index. Ou même, de décrédibiliser leurs idées et leurs actions aux yeux du grand public.
Première alerte dans ce sens en 2005 lorsque le ministère de l’Intérieur – dirigé à l’époque par Nicolas Sarkozy – indique que l’on assiste cette année-là à une véritable explosion du terrorisme d’extrême gauche en France, de l’« ordre » de +254% rien que pour les 6 premiers mois de l’année, laissant augurer, si cela continuait à ce rythme, un accroissement de la menace gauchiste de 500% en fin d’année. Cette information était rapportée par Marc Le Fur, député UMP -et sous-préfet breton-, dans son rapport sur la Sécurité, annexé au projet de loi de finances pour 2006 -qui définissait le budget de l’Etat en la matière-, au titre du projet de loi pour améliorer (encore) les résultat de la politique de lutte contre le terrorisme.
Dangereux et mystérieux anarcho-autonomes
Mais la menace d’un amalgame douteux se fait plus prégnante le 13 juin 2008 quand la Direction des affaires criminelles et des grâces du Ministère de la Justice publie une note à destination des parquets afin de faire face à « la multiplication d’actions violentes commises sur différents points du territoire national susceptibles d’être attribuées à la mouvance anarcho-autonome ». Mouvance tellement mystérieuse, que l’on ne saura rien de plus à son propos dans cette note.
Si ce n’est qu’« outre des inscriptions sur des bâtiments publics, cette mouvance s’est manifestée par la commission d’actions violentes en différents points du territoire national au préjudice de l’Etat et de ses institutions » et que « c’est aussi à l’occasion de manifestations de soutien à des prisonniers ou d’étrangers en situation irrégulière que ses membres s’expriment, parfois avec violence ».
Et le Ministère d’appeler les parquets locaux à se dessaisir de ce genre d’affaires au profit de… « la section anti-terroriste du parquet de Paris ».
Une note qui semble étrangement confortée par les déclaration du porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre, le 25 juin lorsqu’il pointait du doigt RESF, et évoquait la « responsabilité morale » – si ce n’était « pénale » – de l’association de soutien aux sans-papiers dans les émeutes du camps de rétention de Vincennes qui venait d’être incendié.
Cette frayeur face au péril rouge, anarchiste et autres autonomes est probablement confortée par la présence dans l’entourage de Nicolas Sarkozy de conseillers qui sont autant de passerelles avec l’extrême-droite.
C’est le cas par exemple du politologue Patrick Buisson. Ancien journaliste de la presse d’extrême droite comme Minute et Le Crapouillot, puis de Valeurs actuelles, sollicité par Nicolas Sarkozy pour le conseiller et qui incarne la désormais fameuse « droite décomplexée ».
Mais aussi de Rachid Kaci, nommé par Nicolas Sarkozy comme conseiller technique en charge de la politique de la ville à l’Elysée et chantre de cette « droite décomplexée ». Il est président-fondateur de La Droite Libre, un courant de pensée à droite de la droite au sein de l’UMP et qui accueille en son sein le sulfureux « politologue » Alexandre Del Valle, connu pour ses accointances avec certains milieux d’extrême droite.
If you STIC to EDVIGE, then go to hell !
Dernière « avancée » du pouvoir contre la gauche de la gauche, même si elle n’est pas présentée comme telle, le fichier Edvige.
Pour coller à la fusion de la DST et des RG, le gouvernement a créé Edvige, qui, bien mieux que le STIC (Système de Traitement des Infractions Constatées répertoriant toute personne ayant été concernée par une procédure judiciaire, qu’elle soit mise en cause ou victime), permet de mettre en fiche tout « suspects » – à partir de 13 ans – susceptibles de « troubler l’ordre public ». Cette mise en fiche comportera au besoin des informations liées aux opinions politiques, religieuses, à la sexualité, les origines ethniques, les appartenances syndicales et associatives des suspects…
L’idée selon laquelle il s’agit de lutter contre des atteintes à l’ordre public est visiblement suffisante, dans l’esprit du gouvernement – qui a oeuvré par décret pour « légaliser » ce fichier – pour s’asseoir sur l’article 8 de la section 2 du Chapitre II de la Loi Informatique et Libertés : « Il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci. »
Un « détail » sans doute. Comme les tests ADN pour le regroupement familial, selon François Fillon. Ou comme les chambre à gaz, selon Jean-Marie Le Pen.
Notes :
[1]« La droite affirme qu’elle a gagné la bataille idéologique » – Le Monde daté du 15 juillet 2008