Bienvenue en récession
Bien sûr, la France n’est pas les USA et le parallèle n’est pas évident. Pourtant, il est fréquent que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Ou tout au moins en partie. Les deux mandats de George Bush s’achèvent. Qu’en reste-t-il ? Une économie exsangue, au bord de l’effet domino, une démocratie qui a montré que l’on pouvait modifier le résultat d’un vote selon son bon vouloir, qui espionne ses citoyens jusqu’à un point jamais atteint, qui a recours à la torture, aux enlèvements, qui va porter la guerre dans des pays qui ne la menaçaient pas. Bref, un vrai bilan « globalement positif », comme disait Georges Marchais des pays de l’Est.
George Bush restera probablement dans l’histoire comme le pire président des Etats-Unis. En France, nous avons notre omniprésident qui, comme George Bush se veut volontariste, et ira jusqu’au bout de ses idées ultra-libérales et ultra-conservatrices, quoi qu’il se passe, et quoi qu’en disent les autres représentants de la société. C’est la droite décomplexée, comme il se plaît à le dire. Celle qui fait ce qu’elle veut. Même si les faits ne lui donnent pas raison. Persuadée qu’elle est, d’avoir raison envers et contre tous.
Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas dit (à propos des sondages) : « Même impopulaire, je continuerai. Je suis là encore pour quatre ans. A 57 ans, je ne serai peut-être plus là. Mais je réformerai jusqu’au bout, je ne lâcherai sur rien, rien jusqu’à mon dernier jour à l’Elysée. »
Et comme George Bush, il veut entrer dans l’histoire : « Je veux faire, je veux rester dans l’Histoire avec un grand H. Moi, je resterai dans l’Histoire comme l’homme qui a fait les réformes. J’en ai lancé 63 ! On n’a pas le choix. Et tant pis si je ne fais qu’un mandat. A la fin de mon premier mandat, j’aurai 57ans. Eh bien, je ferai autre chose. »
Le mari de Carla Bruni réforme. Il veut être « le président du pouvoir d’achat ». Celui qui aura été chercher le point de croissance qui manque à la France « avec les dents ».
« On n’est pas dans une récession, la France tient mieux que les autres, on est dans une croissance autour de 2%, nous avons des chiffres d’emploi qui sont excellents et un taux de chômage qui n’a jamais été aussi bas » expliquait-il doctement en janvier 2008.
Nous voici en octobre et les chiffres, qui sont têtus, lui donnent tort. Même s’il se refuse à le reconnaître. La critique, c’est pour les autres.
Selon l’INSEE, le PIB français devrait continuer à diminuer cette année, perdant 0,1 point aux troisième et quatrième trimestres après une baisse de 0,3 point au deuxième trimestre. Pour ceux qui ne sont pas férus d’économie, la récession est le plus souvent définie par au moins deux trimestres consécutifs de recul du PIB.
L’AFP souligne que « grâce à la progression de 0,4% enregistrée au premier trimestre, la croissance serait tout de même de 0,9% cette année, contre 2,4% en 2006 et 2,1% en 2007. Une diminution du PIB pendant trois trimestres consécutifs serait du jamais vu en France depuis la récession de 1993 ».
Les réformes de l’hôte de l’Elysée sont donc une vraie réussite. En même temps, il reconnaît à mots couverts que sa boite à idées est un peu dingue : « Si quelqu’un d’autre disait les discours d’Henri [Guaino], ça paraîtrait insensé, mais comme c’est moi avec mon air sérieux, ça marche ».
En janvier, toujours, le président omniscient expliquait que les Américains étaient un peu à la ramasse tandis que nous, grâce à lui, nous avions pris de l’avance pour juguler la crise. On voit aujourd’hui que cette avance nous donne des atouts décisifs. Il tablait alors, comme son premier ministre, sur une croissance pour l’année 2008 « de 2 à 2,5% » : « Les subprimes, les difficultés internationales, les initiatives que vont prendre les Américains, cela ne doit que nous renforcer dans la prise d’initiative ». Rappelant le vote en juillet 2007 de la loi Tepa (Travail, emploi, pouvoir d’achat, également appelé « bouclier fiscal »), le chef de l’Etat affirmait sans rire : « ce qui a été décrit comme de l’argent gâché, tout le monde reconnaît que c’était nécessaire et que c’est pour ça que l’économie tient bien ».
A tel point, précisait-il dans une allusion au plan annoncé à l’époque par le président George Bush pour stimuler l’économie des Etats-Unis, que « les Américains s’engagent À investir 1% de leur PNB dans leur Économie. (…) Tepa, c’est 0,7% de notre PNB dans notre économie, sauf que eux le font avec six mois de retard ». Quels mauvais quand même ces Américains…
Président du pouvoir d’achat… en berne
Selon l’INSEE, le pouvoir d’achat des Français va progresser cette année de 0,7%. L’inflation, pour sa part, devrait atteindre 3%. Rarement de telles prouesses économiques auront été réalisées par un gouvernement. Toujours selon l’institut de la statistique, « l’indice du salaire mensuel brut de base (SMB) de l’ensemble des salariés a progressé de 0,9 % entre mars 2008 et juin 2008 (+0,6 % l’année précédente sur la même période). La progression en glissement annuel du salaire mensuel de base atteint 3,1 % en juin 2008, soit une augmentation de 0,4 point par rapport à celle de juin 2007 ». Mais tout n’est pas si rose qu’il y paraît, puisque « compte tenu d’un glissement annuel des prix de +3,6 % de juin 2007 à juin 2008, le salaire mensuel brut de base baisse en termes réels sur un an (-0,5 %) ».
Loin de se remettre en cause après cette avalanche de chiffres désastreux, le gouvernement a immédiatement nié le fait que la France soit véritablement entré en récession : « Il y a une définition technique et statistique de la récession, et puis il y a la réalité des choses », a expliqué le ministre du Budget, Eric Woerth. Comprenne qui pourra.
« Par nature, la France n’est pas en récession », a-t-il précisé. Si c’est par nature, alors… En même temps, le même Eric Woerth a renvoyé dans ses cordes la boite à idées de notre hyperactif national qui avait estimé que face à la crise mondiale, les règles de l’UE sur les déficits publics « ne sont pas la priorité ». Un bon moyen de développer la solidarité européenne et de s’attirer la sympathie de l’Allemagne. Un bon exemple également, offert par le pays qui préside actuellement l’Europe. Tout pour rassurer les marchés et améliorer les performances de la main invisible. Pour Eric Woerth, « On ne peut pas faire fi des critères de Maastricht. C’est une règle, une règle commune. Cette règle, évidemment, doit être respectée ». On le lui rappellera prochainement… Le Premier ministre François Fillon a de son côté réaffirmé son objectif d’un déficit public « proche de zéro » en 2012, malgré une conjoncture qui « n’est pas favorable », pour « ne pas trahir les engagements européens » de la France. En espérant qu’il n’anticipe pas ce déficit proche de zéro sur la base des mêmes calculs qui lui faisaient dire que la croissance serait de 2,5% cette année…
Christine Lagarde qui n’est pas avare de gaffes a pour sa part exposé le fond de sa pensée hautement réfléchie : « La récession ? Ce n’est pas ça qui est le plus important, l’important, c’est de savoir qu’on est dans une situation économique qui est difficile en raison des chocs qu’on a subi, de la crise financière qu’on traverse ».
Ouf. Nous voilà rassurés.
Allez, encore quelques « réformes » pour « réveiller » la France qui ne se lève pas assez tôt, pour donner un coup de pied dans la fourmilière des « conservatismes » de tous ces crypto-communistes qui « paralysent » le pays, et tout ira mieux.
Il y a déjà longtemps, Aporismes.com estimait qu’il faudrait des années pour réparer les dégâts que ne manqueraient pas de provoquer les néo conservateurs emmenés par le mari de Carla Bruni. Il semble bien que malheureusement, nous ayons eu raison. Mais finalement nous n’avons aucun mérite. Il suffisait de voir où les tenants des mêmes idéologies avaient mené les Etats-Unis pour savoir comment tout cela finirait chez nous. Il faut bien l’avouer, tout cela est pathétique. Et ce n’est pas fini…