Itinéraire d’un président : de “bling-bling” à “fashion victim”
L’analyse et le recul sont à l’UMP décomplexée, ce que l’éléphant est au magasin de porcelaine. Le premier ministre, François Fillon en a fait la preuve ce week-end -pour ceux qui en doutaient- en tirant des conclusions du scrutin (municipales et cantonales).
« En 2001, la droite et le centre avaient largement gagné les élections municipales. Aujourd’hui la gauche a partiellement rétabli sa situation », a-t-il par exemple expliqué aux malcomprenants qui auraient pu voir dans le résultat une grosse claque à son projet politique. Il s’agit d’un rééquilibrage. Pas d’un vote sanction. Circulez, il n’y a rien à voir.
Par ailleurs, le premier ministre ne voit pas matière à repenser sa politique puisque « La politique de la France, les électeurs l’ont majoritairement choisie à l’occasion des élections présidentielles et des élections législatives. »
Tout le monde l’aura compris, on a politiquement foncé dans le mur, maintenant, il convient d’y foncer en klaxonnant. « Comme s’y est engagé le président de la République, nous allons poursuivre cette politique parce qu’il faut de la ténacité pour réformer notre pays et parce que le respect de la démocratie exige le respect des engagements pris. »
- Acte 1 : ce n’est pas une claque
- Acte deux : on poursuit.
- Acte 3 : on accélère…
« Vous nous invitez à donner encore plus de force à notre politique de changement », a-t-il dit à l’adresse des Français.
« Vous nous rappelez nos objectifs. »
Pour obtenir une analyse à la fois dépassionnée et pertinente de ce scrutin, il n’est pas inutile d’aller lire la presse étrangère.
Elle nous avait habitués à une vision sensiblement plus fine de notre président que celle de la presse nationale. A tel point que El Pais, le quotidien de référence espagnol le voyait comme un grand malade.
Un crime de lèse-majesté qui avait été promptement gommé sur les couvertures de Courrier International lorsque ce dernier avait fait mention de cet article en Une.
Vent de révolte à droite ?
Bref, alors que François Fillon annonce un maintien des réformes -forcément plébiscitées par les Français- et de leur rythme, lundi 17 mars, la presse internationale ne faisait pas tout à fait la même analyse. Se plaçant une nouvelle fois dans le camp de l’anti-France…
« La droite française mord la poussière » titre ainsi Le Temps. Le quotidien suisse estime que « les déconvenues du pouvoir amènent deux questions ». Il s’interroge sur un éventuel « vent de révolte » à droite. Même s’il est improbable, le quotidien note que « les élus de droite auront sans doute plus de mal à suivre un chef qui les a conduits à la défaite ». L’autre question porte évidemment sur le rythme et la réussite des réformes que le président annonce vouloir mener. Le Temps dresse un bilan bien terne pour Nicolas Sarkozy : « Son image de gagneur, capable de réaliser la ’rupture’ à vitesse grand V, a été sérieusement écornée. »
Encore fallait-il croire à cette capacité à créer la rupture. Ou mieux, peut-être que les Français et leur président ne donnaient pas le même sens au mot rupture. S’il s’agissait de créer une rupture allant dans le sens des néoconservateurs américains, la rupture est en marche depuis le premier jour. S’il s’agissait d’améliorer le quotidien des Français, comme certains ont voulu le croire, il est assez évident que l’image est cassée. Mais comme l’écrivait Aporismes.com dès le premier jour, il y a ceux qui ne voulaient pas voir l’évidence affichée devant leurs yeux et « chacun aura pour juge son propre miroir. En voyant son reflet, en regardant en arrière, les photos sur le perron de l’Elysée ou de Matignon, les sourires échangés, les poignées de mains appuyées, les contorsions intellectuelles et syntaxiques, les passages de brosse à reluire, comme dirait le Canard Enchaîné, les compromissions. Chacun réglera ses comptes avec sa conscience dans son coin. Inutile donc de juger tel ou tel. »
Dans sa rubrique Opinions, le Financial Times estime que si Nicolas Sarkozy a lancé quelques chantiers méritant d’être salués, il ne s’agit pas de la rupture annoncée. Le FT raille même le côté « comique » de la commission Attali. Celle-ci ayant plongé dans le travers européen consistant à dresser une liste sans fin de réformes à mener sans toutefois prévoir les détails de leur application. « Les réformes de Sarkozy doivent aller au-delà des licences des taxis », souligne le FT pour qui il ne s’agit pas forcément d’une priorité pour la France. Pas plus que de faire de l’aéroport Charles de Gaulle le premier en Europe, devant Heathrow… Le FT vote pour la fin effective des 35 heures et une réforme des « lois archaïques » encadrant les contrats de travail. Et oui, car le FT, est la bible de la finance. Il lui faut donc afficher quelques idées conservatrices. Ce qui est amusant, c’est de lire dans ses pages saumon une telle critique d’un néoconservateur comme Nicolas Sarkozy. Une rupture ?
Sarko, ze « fashion victim »
Le conservateur Wall Street Journal affiche quant à lui une photo bizarrement déformée du président français tout sourire, présentant à l’objectif un sac Louis Vuitton. Et d’expliquer que les Français ont été déçus par la rupture annoncée. Celle-ci s’étant traduite par un affichage visiblement peu prisé : « Rolex à 14 000 dollars », « jogging en Ralph Lauren », « bague de fiançailles Christian Dior à 30 000 dollars »… Le journal note que les marques, elles, ont bénéficié de l’effet publicitaire. Mais si les Français aiment la mode, ils ne goûtent pas l’idée que leur président soit un représentant publicitaire, estime le WSJ. De « bling-bling », le président français est devenu une « fashion victim », conclut le quotidien financier.
Si le cap des réformes sera tenu, le style du président sera revu, parie l’International Herald Tribune. Après « Sarko l’américain » et « le président bling-bling », on s’acheminerait vers un style présidentiel plus traditionnel selon l’IHT. Même si l’apparence bling-bling est abandonnée, c’est toujours d’image qu’il s’agit puisque selon le quotidien, le président devrait multiplier les voyages en province, au contact de la population et les conseillers élyséens devraient être invités à une plus grande discrétion. Tout un programme qui augure bien de la rupture à venir et de la profondeur du projet présidentiel.
Enfin, la plupart des journaux, comme El Pais ou l’Orient-Le-Jour, notent la défaite du ministre de l’éducation, Xavier Darcos. Pour le quotidien madrilène, l’UMP fait clairement les frais de l’impopularité de Nicolas Sarkozy. La gauche enregistre une large victoire tandis que le parti du président évite de peu une défaite humiliante grâce à sa victoire à Marseille. Mais, pour El Pais, la politique de Nicolas Sarkozy ne devrait pas changer pour autant : après ce résultat, « le gouvernement fait la sourde oreille », note le quotidien espagnol.
Enfin, El Pais estime que Nicolas Sarkozy a « coulé la droite » et que même des électeurs de droite l’on sanctionné en restant chez eux. Une analyse qui diffère grandement, on se demande pourquoi, de celle du président et de son premier ministre, klaxonneur en chef pour la suite du programme.
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