A droite (de la droite) toute !
Les annonces et les actes pleuvent qui pourraient laisser penser à des esprits retors et faisant partie, bien entendu, de l’anti-France, que notre pays est en train de stigmatiser les étrangers et de se fermer comme une huître à tout apport extérieur.
On peut ainsi citer l’adoption d’une énième loi sur l’immigration qui, cette fois, impose de savoir parler (un peu, beaucoup ?) le français, préconise des tests ADN pour favoriser (ou défavoriser, selon le sens dans lequel on prend la chose) le regroupement familial, et enfin -et surtout- autorise le fichage ethnique. On pourrait citer l’utilisation du mot “détail” par François Fillon à propos de l’introduction de l’ADN dans la loi, cet e-mail envoyé par l’inspection académique du Haut-Rhin à 850 directeurs d’école pour qu’ils signalent des enfants de sans-papiers, cette convocation des préfets qui ne font pas assez de « chiffre » sur les reconduites (comme des commerciaux dans une entreprise, en somme). Il est également permis de s’étonner de la manière dont les autorités françaises ont géré l’affaire des sans-papiers de Lille (mais c’est une autre histoire pour plus tard). Ou encore sur l’épidémie de défenestrations d’étrangers qui ont une soudaine peur panique d’être pris dans une rafle.
Bref, le rejet de l’« autre », l’« étranger », sa stigmatisation comme étant un « sujet » de préoccupation interpelle quelque peu. De fait, en prenant quelques minutes de réflexion, il est aisé de se rendre compte que l’immigration, clandestine ou non, n’a jamais été un problème pouvant mettre en péril un pays. A part peut-être le Liban peu avant la guerre ? Mais la problématique était dans ce cas précis nettement différente.
Alors pourquoi cette surmédiatisation, cette mise en avant d’un « problème » de l’immigration ? Peut-être parce que c’est une manière de canaliser les frustrations et les angoisses de Paulo sur son propre devenir ? Il est un homme politique qui a particulièrement utilisé ce ressort, c’est Jean-Marie Le Pen avec son fameux slogan « 3 millions d’immigrés = 3 millions de chômeurs ». S’exprimant aux 20 heures le 21 septembre 2007, Nicolas Sarkozy expliquait : « Seuls 7% de l’immigration d’aujourd’hui est une immigration de travail. Comment s’intégrer en France si on n’a pas de travail ? Je souhaite porter le chiffre de l’immigration du travail à au moins un sur deux ». Sous-entendu, 93% des immigrés sont des assistés ?
Nicolas Sarkozy n’oublie pas qu’il est allé draguer très ouvertement les électeurs du Front National. Qu’il renvoie l’ascenseur à ces électeurs où qu’il pense sincèrement que ses lois à répétition et chaque fois plus stigmatisantes, sont nécessaires importe peu. Le fait est là, comme aux pires heures de l’histoire récente de ce continent, les « étrangers » sont livrés à la vindicte populaire et réduit à des chiffres. A conforter des idées nauséabondes, il y a peu de chance que l’on aille vers plus de tolérance envers « l’autre ». Bref, on détruit le lien social…
Bien entendu, ces « autres »-là ne finiront pas dans un camp de concentration. Mais à la lecture des communiqués de RESF ou des associations qui pallient les carence de l’Etat (dans le Nord de la France par exemple), il semble bien que bon nombre de demandeurs d’asile ou d’immigrés clandestins sont renvoyés vers des pays où les risques pour leur sécurité physique sont très importants. En outre, la dernière fois que l’on a fait du recensement ethnique, de l’eugénisme, ça a très mal fini. Et déjà à cette époque là, des fonctionnaires ont cru, ou se sont persuadés, qu’ils “faisaient leur devoir” en appliquant des lois votées pour faire plaisir à Paulo. Comme quoi les lois votées par une majorité ne sont pas toujours de bonnes lois et le fait qu’elles contentent une “certaine partie de la population”, fut-elle majoritaire, n’est pas forcément une excuse valable…
En outre, si l’on n’aide pas les pays d’où viennent ces hommes, femmes et enfants, les candidats à l’émigration continueront indéfiniment de se jeter sur les barbelés de l’Europe ou de tout autre eldorado. L’inefficacité des précédentes lois sur l’immigration (elles le sont puisqu’il en faut toujours de nouvelles, chacune étant pourtant en son temps annoncée comme un point d’orgue de la lutte contre l’immigration illégale) est là pour le démontrer.
Les drôles d’amis de l’UMP et de Nicolas Sarkozy…
La France n’a pas élu Jean-Marie Le Pen. Mais de nombreuses positions de Nicolas Sarkozy sur des sujets aussi variés que l’Europe, l’immigration, la sécurité, la « rupture », la mondialisation et l’Europe rejoignent les aspirations (si elles ne les satisfont pas) des électeurs de base du Front National. Au point d’amener quelque plus de 60 % [Le Canard Enchaîné daté du 15 août 2007, p.2] d’entre eux à voter pour l’actuel président au second tour.
Il faut dire qu’à en croire Nicolas Sarkozy, la droite est désormais « décomplexée » et assume enfin ce qu’il pense être ses positions traditionnelles. En cela, Nicolas Sarkozy oublie un peu vite que tant que Jacques Chirac était au pouvoir, ce sont les députés de sa propre famille politique qui étaient les plus actifs pour freiner les projets de loi qu’il portait. Les jugeant excessifs. Ce point est fort bien décrit dans les livre de Serge Portelli sur le bilan de l’actuel président comme ministre de l’Intérieur. Mais qu’importe.
Ce qui n’est pas anodin, c’est de chercher qui, au sein de l’UMP véhicule cette théorie de la droite « décomplexée ». Entre autres théories reprises par Nicolas Sarkozy.
L’UMP accueille en son sein un courant portant le doux nom de « Droite Libre », celle-ci se voulant « décomplexée » [1].Tellement décomplexée que son ancien vice-président, Alexandre del Valle, de son vrai nom Marc d’Anna, a eu des contacts avec les membres d’un site web particulièrement ultra-droitier et islamophobe afin de participer à une opération de déstabilisation du MRAP. Les contacts d’Alexandre del Valle avec l’extrême droite ne sont pas nouveaux. Ce qui l’est c’est qu’un courant de l’UMP soit une sorte de passerelle avec des tenants d’une idéologie que Nicolas Sarkozy dit abhorrer.
En 2003, des anciens de SOS-Racaille, un portail islamophobe regroupant une palette très large allant de l’extrême droite classique à l’extrême droite sioniste, s’étaient interrogés sur l’opportunité de la rédaction en sous-main, d’un rapport contre le MRAP qui serait -forcément- accablant. L’idée était de le faire distribuer par des « cautions » moins marquées. En 2004, trois « rapports » en ce sens sur le MRAP verront le jour. Deux publiés par le très éphémère « Collectif contre tous les racismes » (ccTr), et un par le CRIF. Ce dernier rapport sera co-présenté à la presse par le ccTr.
Dans leur forum de discussion privé d’alors, ces nouveaux experts de la désinformation de supermarché expliquaient qu’ils rédigeaient un rapport dénonçant le MRAP et son « anti-racisme sélectif ». Ce rapport ne devait pas être signé mais serait relayé par des cautions intellectuelles via une sorte de « collectif contre le terrorisme intellectuel ». Parmi les « intellectuels » envisagés pour soutenir le projet et qui se disent intéressés, figure en très bonne place Alexandre del Valle.
Ce « géopolitologue », largement défendu à l’époque dans les forums ultra-droitiers de sosfrance.com, est l’auteur de plusieurs pamphlets contre l’islamisme. Il était également le vice-président et co-fondateur de La Droite Libre (ladroitelibre.com), un courant officiel (très) à droite de l’UMP. Le contenu des forums privés qu’Aporismes.com a pu lire, démontre que le vice-président de ce courant de l’UMP avait des contacts avec des membres de feu SOS-Racaille et que cette opération de dénigrement du MRAP lui semblait être une bonne idée.
« Nous sommes nés dans ce pays, y avons grandi, et sommes prêts à le défendre contre tous les intégrismes et toutes les dérives racistes dont participe la nouvelle mode « francophobe », si justement dénoncée par Alain Finkielkraut. Toutefois, il convient d’être juste. Cette étiquette de « Français de la deuxième génération », nous la devons en partie aux casseurs qui refusent de s’intégrer, mais encore plus aux Ligues de Vertu et aux associations dites « anti-racistes » comme le MRAP, la Ligue des Droits de l’Homme, les alter-mondialistes et les « Indigènes de la République » qui n’ont de cesse de distiller, sans même s’en rendre compte, le venin de l’ostracisme », indique Alexandre del Valle sur son site [2]. Tout en finesse…
La Droite libre et le Web
L’ancien secrétaire général de la Droite Libre, Arnaud Dassier [3] (fils de Jean-Claude Dassier, DG de LCI), s’occupait quant à lui de la stratégie Internet de l’UMP. Une stratégie tout en finesse également. C’est à l’Enchanteur Nouveaux Médias -dont il est le président- que l’on doit le « spam » massif, fin septembre 2005, au nom de Nicolas Sarkozy, invitant les internautes à participer au débat de 2007. C’est également l’Enchanteur Nouveaux Médias qui avait acheté en novembre 2005 des mots clef comme « racaille , voiture brûlée, clichy, gauchiste, insécurité, marxiste », etc. pour promouvoir l’UMP sur Google et inciter les internautes à soutenir la politique de Nicolas Sarkozy.
Arnaud Dassier, s’était déjà illustré sur Internet aux côtés d’autres membres de La Droite Libre.
Ensemble, ils avaient par exemple lancé « gauchestory.com », un site parodiant l’émission Le Loft pendant la précédente campagne présidentielle ou encore bilan-jospin.com, puis avaient appelé au bombardement (par des milliers d’emails) des boites aux lettres électroniques des syndicats. Manifestement peu convaincu de la légitimité de ce procédé, le TGI de Paris avait condamné La Droite Libre en référé le 21 mai 2003. A cette époque, Alain Juppé, alors à la tête du parti, avait tenu à se démarquer de cette démarche « C’est une initiative personnelle, l’UMP n’est en aucun cas impliquée dans cette action », indiquait à l’époque son parti, qui se réservait même le droit de poursuivre La Droite Libre pour contrefaçon. [4]
Les temps changent puisque l’UMP -et Nicolas Sarkozy, son président d’alors- semblaient déjà assumer pleinement la présence en son sein avant la campagne d’un courant dont un des anciens dirigeants ne dédaigne pas les contacts avec les représentant d’une droite ultra-nationaliste et islamophobe…
Ils changent tellement, que le 31 août dernier, Nicolas Sarkozy a nommé « conseiller technique » à la présidence de la république Rachid Kaci, co-fondateur avec Alexandre del Valle de La Droite Libre [5]. Interrogé à plusieurs reprises par Aporismes.com, l’Elysée ne peut, à ce jour, préciser les attributions de Rachid Kaci. Et ne peut dire quand elles seront publiques.
Voilà en tout cas une présence à l’Elysée qui devrait détendre Nicolas Sarkozy sur le thème de l’immigration ou des méfaits de 1968… Lorsque le faux rapport sur le MRAP était sorti, on retrouvait dans le “collectif” le présentant un certain Rachid Kaci. Coïncidence et médisance que tout cela…
[1] Google : Profession de foi : Pour une Droite décomplexée
[2] http://www.alexandredelvalle.com/publications.php?id_art=231
[3] Le Journal Du Net livrait le soir de la parution de cet article d’Aporismes.com un papier particulièrement laudateur sur l’Enchanteur Nouveaux Médias et Arnaud Dassier. L’Enchanteur est en effet racheté par The Marketinggroup.
[4] http://www.transfert.net/a8822 et http://www.transfert.net/Spam-anti-syndicats-la-Droite
[5] On lira à la fin de cet article quelques appréciations sur Rachid Kaci et Alexandre del Valle par Xavier Ternisien, journaliste au Monde
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