Brice Hortefeux et les maths
Voyons voir… Je n’ai pas choisi ce métier (journaliste) par hasard. Je suis nul en maths.
Ceci dit, je ne manque pas de logique. Ce qui amène parfois à plonger dans des abîmes de perplexité. Par exemple, ce matin, la radio m’a annoncé que, selon le ministre de l’Intérieur (et d’autres trucs qu’un ancrage républicain m’empêche de citer ici), Brice Hortefeux, “il y a entre 200.000 et 400.000 étrangers clandestins en France”. Jusque là, je ne me dis qu’une chose : la fourchette est vaste. Marge d’erreur sur ce qu’il avance ?
50%.
Précis non ? Je me dis que cette marge, cette fourchette, sur les interpellations souhaitées n’existe pas. A se demander sur la base de quels chiffres le ministère détermine chaque année ses objectifs d’interpellations…
Mais Brice Hortefeux n’est pas avare de chiffres et cela ne contribuera pas à une sortie rapide de la perplexité dans laquelle il me plonge : “10.000 personnes ont été contrôlées depuis le début de l’année. Dans ce cadre, 275 employeurs et 536 étrangers ont été interpellés. C’est une augmentation de 300% en un an.”
Tant pis si je suis mauvais en maths, faisons quelques opérations. Les maths, dit-on, sont logique pure. Cela devrait me ramener vers le monde réel.
Voyons voir (bis)… Mettons 400.000 clandestins. 10.000 contrôles en 8 mois.
Cela nous fait 1.250 contrôles tous par mois. On peut donc tabler sur environ 15.000 contrôles sur l’année. On est en dessous des chiffres annoncés et quelqu’un va se faire appeler Alphonse. Brice Hortefeux tablait en effet sur 25.000 “éloignements”” [1] cette année. Ce qui implique, on s’en doute, bien plus de contrôles.
A titre d’exemple, reprenons les chiffres du ministre, 10.000 contrôles représentent in fine 536 interpellations d’individus. Il faut donc environ 20 contrôles pour une interpellation. Pas une condamnation. Les mots ont leur importance. Il n’y a jusque là ni condamnations, ni expulsions (éloignements diraient le gouvernement et le président décomplexés).
Au rythme entamé, on devrait par ailleurs arriver à 804 interpellations sur 12 mois.
Je vous l’avais dit que j’étais nul en maths. Comment dire… J’ai du mal à faire le lien entre d’une part :
- l’objectif de 125.000 interpellations et de 25.000 expulsions sur l’année
- les 15.000 contrôles projetés sur un an (sur la base des 8 premiers mois) et les 804 interpellations à prévoir…
On me dira peut-être que ces chiffres ne concernent que des contrôles dans le cadre d’une entreprise (inspecteurs du travail) et que cela n’a rien à voir avec les interpellations par la police. Mais peut-être eut-il fallu le préciser ? Les mots ont un sens et ils se distingue mieux lorsque l’on replace ce dont on parle dans un contexte.
Pour mémoire, Le Pen nous parlait il y a des années d’un million d’”étrangers” qui venaient prendre le travail des “bons” français. Pour mémoire également, les espagnols ont régularisé il y a peu de temps quelque 500.000 clandestins. L’Italie a fait de même (un peu plus). A croire qu’il y a bien peu de clandestins en France et qu’une opérations de régularisation serait possible, et peut-être même plus simple qu’en Espagne (surtout si l’on se base sur la fourchette basse). A croire aussi que l’on a monté une belle mayonnaise autour du thème. Déclencher la peur, l’incertitude, le doute. Et avoir ainsi les mains libres…
[1] Eloignement : “Action de mettre une chose loin ou plus loin” – Expulsion : “Mesure légale qui consiste à faire reconduire un étranger à la frontière” – Les mots ont un sens. Ils ne sont pas employés au hasard.
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